Comment les juges opèrent-ils la nécessaire conciliation entre, d'une part, les droits de la défense de l'ex-partenaire à l'origine de l'enquête privée et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée de la partie adverse ?
Pour arbitrer ce conflit entre deux droits fondamentaux, les juges ont régulièrement recours à deux principes cardinaux du droit : l'exigence d'un rapport de proportionnalité et de nécessité.
L'exigence de proportionnalité entre les moyens employés et le but recherché
La vérification de cette condition s'opère à un double niveau :
- Un contrôle de légitimation qui revient à s'assurer que les moyens mis en oeuvre sont effectivement de nature à atteindre le but poursuivi.
- Un contrôle des répercussions qui nécessite de vérifier que les moyens déployés n'ont pas eu une incidence excessive sur l'intimité d'autrui.
L'exigence de nécessité par rapport au droit à la preuve
Les juges contrôlent que la preuve litigieuse versée au débat était l'unique moyen susceptible de prouver la vérité du fait allégué par la partie qui s'en prévaut.
Illustrations concrètes
Un ex-époux, non content de verser une prestation compensatoire à son ancienne conjointe, a eu recours aux services d'un détective privé. À la recherche d'informations sur le train de vie de l'intéressée et l'existence d'une éventuelle situation de concubinage, le professionnel a décidé de procéder à une filature de l'intéressée pendant plusieurs mois.
L'ex-époux a versé le rapport produit par le détective privé au soutien de sa demande de suppression de prestation compensatoire après divorce.
La Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 3 juin 2004, a considéré que l'ex épouse ayant été "épiée, surveillée et suivie pendant plusieurs mois, [...] l'immixtion dans la vie privée de celle-ci était disproportionné par rapport au but poursuivi".
En définitive, l'emploi d'un tel procédé n'est pas sanctionné par principe, mais l'utilisation qui en est faite en l'espèce est condamnée par la Deuxième Chambre civile.
Ainsi, dans un arrêt en date du 18 mai 2005, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'une enquête privée versée au débat par l'époux afin d'établir la preuve de l'adultère de sa conjointe était un élément probatoire recevable soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond.
Cette position fut confirmée par un arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 février 2006 dans une situation relativement similaire où il s'agissait d'apporter la preuve d'une faute cause du divorce.
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